Marchons avec joie vers Celui qui vient
[...] Telle est la bonne nouvelle qui nous est adressée chaque année dans le temps de l’Avent : une invitation pour un nouveau départ. Nous remettre en route. Un chemin est ouvert. Un chemin nous est offert, comme ces dalles creusées par les pas des pèlerins dans l’année centrale de notre église nous mène vers la crèche déjà installée, le lieu de la naissance, la sienne, celle de Jésus, et la nôtre, avec lui et en lui.
Quels que soit notre histoire, notre passé, les pesanteurs de nos soucis de notre péché, nous sommes invités à mettre nos pas dans les siens, à la suite de tous ceux qui nous ont précédés sur ce chemin pour nous mettre en route. Un chemin qu’il nous faut aplanir, déblayer, remblayer, débarrasser tout ce qui nous encombre, nous entrave. La conversion, car c’en est une, c’est nous délier de ces chaînes, ou de tous ces fils à la patte, qui nous empêche de courir vers lui. Lui, celui qui vient.
Le temps de l’Avent est donc un temps de conversion. Les chrétiens de l’Orient l’appellent le « Carême de Noël » Alors, ne manquons pas de faire le point sur tout ce dont il nous faut défaire pour « marcher avec joie vers Celui qui vient ». Et pourquoi pas dans une démarche pénitentielle ?
Car elle est là, une vraie bonne nouvelle : celui qui vient. En Jésus, Dieu vient vers nous. C’est lui qui fait les premiers pas. C’est toujours lui qui commence. Dans la démarche pour ce temps de l’Avent, « Marchons avec joie vers Celui qui vient », la fin de la phrase est en fait le départ : c’est parce qu’il vient que nous pouvons nous mettre en route.
La venue de Jésus n’est pas le simple aboutissement de nos attentes. Elle n’est pas le fruit de nos efforts : elle est le don gratuit de Dieu. Dans mon enfance, dans certaines familles, on installait la crèche, vide, dès le début de l’Avent, et les moutons, à distance, représentaient chacun des enfants se préparant à Noël : ces moutons avançaient ou reculaient selon que l’enfant était sage ou non. Une sorte de jeu de l’oie spirituel… Ce pouvait être stimulant, une sainte émulation. Mais c’était aussi un peu trompeur ; comme si la proximité de Jésus dépendait de nos efforts. Non, c’est d’abord le don de Dieu, la libre grâce de Dieu.
C’est bien le sens de notre baptême. Non plus le baptême proposé par Jean le Baptiste, simple rite de purification, mais le baptême chrétien, plongée dans la vie du Christ, dans sa mort, sa résurrection, dans son amour du Père, qui nous submerge et nous devance. C’est encore plus manifeste dans les baptêmes des enfants, puisque là il est évident que la grâce de Dieu, le don de son amour, sa proposition d’alliance, devancent absolument toute possibilité d’accueil ou de réponse de la part de l’enfant, encore incapable de quoi que ce soit. Plus radicalement, il y a la grâce de Dieu. Avant même notre mise en route, il y a le mouvement de Dieu vers nous.
Jésus à la fois attendu et inespéré : nous disons bien dans notre Credo, que Jésus « né de la Vierge Marie », donc fruit en elle de sa foi et de toute l’espérance qu’elle récapitule, est d’abord « conçu du Saint Esprit », c’est-à-dire don gratuit de Dieu dans l’histoire des hommes.
Tout comme dans chaque eucharistie, où Jésus continue d’advenir pour nous aujourd’hui, Jésus n’est pas seulement « le fruit de terre et le travail des hommes », comme on le dit en présentant le pain et le vin, il est là encore le don du Saint-Esprit, comme le manifeste la prière de l’Eglise : Que ce même Esprit Saint, nous t’en prions Seigneur, sanctifie ces offrandes : qu’elles deviennent ainsi le corps et le sang de ton Fils… »
Alors, oui, bien sûr, levons-nous, relevons-nous, convertissons-nous, remettons-nous en marche. Mais d’abord n’oublions pas de contempler sa venue, même discrète. Faisons notre joie de ces petits signes qui manifestent déjà que, une fois de plus, c’est lui qui vient vers nous.
Décembre 2005.
Bezançon Jean Noël, 2011. On a planté grand-père, semailles d’évangile en bord de Marne. Groupe Artège, Perpignan, 156p.