Le père Michel Dagras
Une Voix crie dans le désert (Is 40,3)…cette voix nous l’avons entendue (ou lue) une fois ou l’autre, mais l’avons-nous enregistrée ? Voilà pourquoi je reprends cette parole d’Isaie : "une voix crie dans le désert".
Cette voix n’est plus, Michel DAGRAS nous a quittés il y a tout juste un mois. Sa voix faisait autorité dans le diocèse et largement au-delà, même au-delà des Océans, de la Guadeloupe au Japon et plus encore. Il était le porte-parole du Concile Vatican II. En terme simple et clair et avec quelques pointes d’humour il a su transmettre les grandes orientations de Vatican II : Une Eglise qui ouvre largement les fenêtres pour accueillir le monde et en même temps qui s’intègre dans le monde tel qu’il est, une Eglise qui a pour souci prioritaire les laissés pour compte, une Eglise où les laïcs ont leur mot à dire. Ces deux derniers points étaient essentiels pour lui : il étayait l’orientation sociale de l’Eglise à travers les textes du Concile et les nombreuses encycliques des papes depuis Léon XIII, et à travers les textes du Concile il savait impulser ce partenariat qui était proposé pour collaborer et travailler ensemble avec les laïcs. Ajouter à cela cette conviction qu’il avait sur l’Eucharistie signe de partage entre Dieu et les hommes. J’essaie de résumer très rapidement le fond de sa pensée. Mais au fait pourquoi je vous parle de Michel DAGRAS ?
D’abord parce qu’il était connu dans notre paroisse (nous étions 15 de Colomiers le jour de ses funérailles), il est venu plusieurs fois dans le cadre des lundis du 85, nous l’avons certainement entendu sur Radio Présence et nous avons pu lire une fois ou l’autre son "bloc-notes" qu’il écrivait toutes les semaines sur la "Voix du Midi". Sa capacité intellectuelle lui permettait d’aborder un nombre incalculable de sujets, de la "résurrection" au miel des abeilles, les urgences à l’hôpital, les SDF du bord du canal (où souvent le matin il portait le café), les cercles du silence, ou une simple rencontre fortuite… à chaque fois il nous invitait à réfléchir et à découvrir un clin d’œil de Dieu dans notre vie de tous les jours…
Ensuite parce que j’ai vécu le mois de juillet (il est décédé le 29) avec lui à la clinique de La Cadène, 2 chambres nous séparaient, j’y étais pour de problèmes respiratoires et lui il ne pouvait rien avaler, ni boire ni manger ! Cela fait plus de 50 ans que nous nous connaissions, je l’ai eu comme professeur au Grand Séminaire et irrégulièrement mais souvent nous avions des occasions de nous rencontrer, particulièrement il accompagnait la réflexion des prêtres-ouvriers de la région. Malgré son handicap je l’ai accueilli à La Cadène avec un moral d’acier : "Charles, j’ai retenu une seule chose de l’armée, quand un officier est fait prisonnier la première consigne qu’il doit appliquer est de s’évader", en très bon français "dès que je peux, je me barre !". Tout doucement il a recommencé à grignoter mais en même temps le moral peu à peu s’est émoussé… "Maintenant je suis dans la main de Dieu, je lui demande qu’il ne serre pas trop fort". Un jour il m’a parlé de la mort comme si c’était pour demain. Dans ce cas-là on essaie d’éluder le problème tant bien que mal, mais plutôt mal et de parler d’autre chose et c’est là qu’il m’a dit "Tu sais, on ne peut pas imaginer ce que ce sera, parce que nous sommes dans le temps et nous serons hors du temps". Aujourd’hui, il sait…Fidèle porte-parole de l’Evangile et de l’Eglise, il est dans la Maison du Père !
Une voix crie dans le désert… cette voix nous ne l’entendons plus mais elle résonne encore dans nos oreilles comme ceux qui ont entendu Jean-Baptiste qui les a orientés vers Jésus, Michel, lui, nous oriente vers une Eglise toujours plus ouverte, à nous de la construire…
Merci pour tout ce que tu nous as apporté et que notre prière te rejoigne.
Père Charles de Llobet
