Migrations : le point de vue des cigognes.
(l'édito de l'Espace 85, septembre 2018)
Invité par un diacre de ma connaissance en mission à Meknès au Maroc, j’ai pu honorer cette invitation au mois de Juillet en passant deux semaines dans la paroisse dont il s’occupe. Celle-ci est essentiellement fréquentée par des jeunes de l’Afrique Sub-saharienne, étudiants et étudiantes pour la plupart, qui retrouvent là comme une famille. Et puis, le phénomène migratoire est très présent : Beaucoup de jeunes, et aussi de très jeunes (mineurs), venus aussi de l’Afrique Sub-saharienne (Cameroun, Guinée, Côte d’Ivoire…), traversent les pays du Sahel, le Sahara, les pays d’Afrique du Nord, pour tenter de passer la frontière de l’Espagne et arriver en Europe. En attendant, ils vivent dans des situations de grande souffrance que la paroisse, aidée de Caritas, essaye de soulager tant bien que mal. Il leur est offert de se laver, de recevoir quelques soins et un petit subside pour survivre quelques jours. Quelle détresse ! Beaucoup de ressentiments sont exprimés contre "les Blancs" qui continuent d’exploiter leurs pays, contre les Africains du Nord qui les considèrent souvent mal. Beaucoup de détermination aussi, de courage, d’humour parfois : Le jour de la finale, les Français ne pouvaient pas ne pas faire un geste pour le repas du soir des quatre jeunes venus frapper à la porte du presbytère pour nous féliciter.
Nous sommes aussi allés, avec Arnaud, au monastère Notre-Dame de l’Atlas, qui a pris la suite de celui de Tibbirhine, en Algérie, après le martyre des 7 moines en 1996. Comme à Tibbirhine, les relations avec le village attenant au monastère et ses habitants musulmans sont très fraternelles. L’Eglise au Maroc assure une mission de prière, de fraternité, de compassion, qui est admirable. Dans ce contexte, je n’ai pas rencontré beaucoup de Marocains, mais ce sera pour une autre fois…
Parmi les animaux aperçus, ânes et moutons en grand nombre, dromadaires, tortues, macaques…, les cigognes ont retenu mon attention. En plein été, n’auraient-elles pas dû migrer vers les pays plus tempérés ? Si la France est elle-même trop chaude l’été, ne devaient-elles pas se diriger vers des pays de l’Europe du Nord ? Or elles étaient encore là, perchées dans leurs très grands nids. Est-ce par solidarité avec les migrants qui restent bloqués parfois des années dans des conditions infrahumaines ? Merci à elles pour cette solidarité. Mais quel est ce temps que nous vivons où le climat est déréglé ? Quelle est cette époque où les migrations s’accélèrent des pays chauds vers les pays où l’accueil est souvent très froid ?
Au retour, j’ai été appelé par le Cercle des Voisins de Cornebarrieu pour visiter deux jeunes Guinéens, Eugène et Josiane, retenus au Centre de Rétention Administratif. Ils avaient fui leur pays, étant en danger de mort pour l’un, de mariage forcé pour l’autre. Ils étaient passés tous deux par le Maroc. Tout leur périple et leur lot de souffrance pour cela ?
Continuons à être attentifs à nos frères et sœurs, de toutes les origines. A lever les yeux vers le ciel comme les cigognes nous y invitent. Inch’Allah !
Père J-Christophe Cabanis
